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7 janvier 2009 3 07 /01 /janvier /2009 22:43
Cours de fortification permanente de l'Ecole Polytechnique, année 1919-1920

Le siège d’une place, organisée comme il a été ci-dessus sommairement exposé, est  évidement une opération des plus lourdes, exigeant d’énormes effectifs et un matériel des plus puissants.

On n’entreprendra donc un siège que si la place envisagée en vaut la peine par le rôle stratégique qu’elle a à jouer place intéressant les lignes de communication indispensables au développement des opérations ultérieures, ou bien renfermant d’abondantes ressources dont la perte causerait un préjudice capital à l’ennemi, ou bien encore possédant une importance politique qui doive rendre sa chute décisive.

S’il n’y a pas lieu d’en arriver aux entreprises d’un siège, on masquera la place, ou bien on l’investira sans en faire le siège.

 

Hypothèse de siège.

Dès que la marche de l’ennemi vers la place sera signalée, la défense devra tenter de l’arrêter. Le gouverneur lancera sur les principales voies de communication des détachements, dont la composition variera avec le terrain et les circonstances, pour prendre contact avec les troupes ennemies ; ces détachements engageront des actions offensives pour inquiéter ou retarder les mouvements de l’ennemi, évitant toutefois de se faire anéantir ou couper de la place.

Une place est faite pour garder une position et retenir devant elle l’ennemi le plus longtemps possible. Tout prolongement dans l’existence de la place peut rendre les plus grands services à la défense générale du pays, et peut décider du sort d’une campagne.

C’est donc un devoir absolu pour le Gouverneur de prolonger la durée de sa place, en commençant tout d’abord par en retarder l’investissement.

Cette opération de l’investissement ne sera pas d’ailleurs aisément réalisée.

La défense d’une place assiégée doit être extérieure et active. Elle doit avoir un caractère particulièrement offensif. L’investissement donnera donc lieu à une succession de combats, enlèvement de positions, de points d’appuis, opérations qui, en réalité, ne différeront en rien des opérations de campagne.

L’assiégeant, tout en resserrant progressivement l’investissement en profondeur d’une zone de défense capable d’arrêter les sorties de la garnison.

La zone d’investissement est décomposée en secteurs ; chaque commandant de secteur arrête l’organisation détaillée de la partie de la zone correspondant à son secteur. Elle est jalonnée par des points d’appuis naturels ou artificiels avec obstacles passifs intermédiaires.

L’artillerie d’investissement est composée d’artillerie de campagne et d’artillerie de parc léger de siège (L’expression « parc léger de siège »est conservée, mais prise ici dans le sens le plus général pour désigner l’artillerie facile à amener dès les premiers moments du siège) ; on appliquera là les principes de la guerre de campagne.

Les troupes cantonnant en dehors de la zone d’investissement pour échapper autant que possible aux atteintes de l’artillerie de la place.

En avant, un réseau d’avant-postes est solidement installé sur le terrain.

Du côté extérieur par rapport à la place, on créera une protection contre une armée de secours. Il peut être utile de préparer dans ce but des positions de combat à une distance suffisante de la zone d’investissement sur les directions probables ou tout au moins possible de la marche d’une armée de secours.

 

L’investissement opéré, le commandant du siège, d’après les renseignements qu’il possède et les résultats des reconnaissances effectuées dès le début de l’investissement, après avoir pris avis des commandants d’artillerie et du génie de siège, définit le front d’attaque et arrête le « Projet d’attaque ».

La première chose à faire est alors pour lui de déployer son artillerie. Mais il ne peut le faire qu’après avoir pris possession avec l’infanterie dans toute l’étendue du front d’attaque et en avant de la zone de déploiement de son artillerie, d’une position défensive qui battra cette zone à l’abri de toute attaque des forces mobilisées de la défense. Cette position constitue la première position d’approche de l’infanterie. C’est la ligne de couverture de l’artillerie.

Qu’a fait pendant tout ce temps la défense ?

La garnison de la place se compose :

1-     Des troupes de secteur, affectées à chaque secteur sous un commandant de secteur.

2-     Des garnisons des Centres de résistance de la zone principale de défense.

3-     De la garnison du noyau central.

4-     Des réserves générales, constituées en troupes de toutes armes. Celles-ci comprennent elles-mêmes une réserve général mobile à la disposition du gouverneur pour les opérations d’une importance spéciale.

 

Or, la ligne de couverture de l’artillerie de l’attaque est précisément située sur les positions avancées de la défense sur lesquelles le Gouverneur a envoyé une partie de ses troupes mobiles.

Ces positions avancées, non fortifiées dès le temps de paix, ne sont pas organisées à la mobilisation en vue d’y opiniâtrer la défense comme sur la zone principale de défense ; car, à opérer ainsi, on a accumulé sur la zone principale des moyens puissants, incomparablement supérieurs aux moyens improvisés qu’on peut mettre en œuvre sur les positions avancées. Les positions avancées en question doivent rester dans la limite de portée des canons de gros calibre de la zone principale de défense.

La défense occupera donc ses positions avancées où elle opposera une résistance en rapport avec ses moyens et ses ressources.

Quand elle aura résisté dans ces conditions sur les positions avancées, elle sera forcée de se replier sur la zone principale de défense.

Quelles seront alors les situations respectives des deux parties ?

L’attaque sera sur sa ligne de couverture de l’artillerie, la défense sur sa zone principale de défense.

On a vu ce qu’est cette zone principale de défense, renforcée et complétée par les travaux exécutés depuis la mobilisation.

Son organisation comporte un échelonnement en largeur et en profondeur : des ouvrages plus ou moins forts, discontinus dans les intervalles, et des batteries, avec une grosse accumulation d’obstacles passifs et de défense accessoires.

Dans la vaste zone de terrain qui s’étend entre la zone principale de défense et le noyau central, une deuxième zone de défense pourra, ainsi qu’il a été dit, suivant la topographie locale, avoir été crée, toute prête à arrêter l’ennemi s’il était parvenu à traverser la zone principale de défense.

Le terrain entre la zone principale de défense et le noyau et les intervalles entre les centres de résistance, sont les champs de bataille où se développera quotidiennement la lutte entre l’assaillant et le défenseur. La défense doit, au cours du siège, préparer des champs de bataille, en y multipliant les points d’appui, en y creusant des tranchées et des ouvrages, autrement dit en organisant d’après les principes de la fortification de campagne les terrain en vue de toutes les éventualités. Là on remuera beaucoup de terre et constamment. Il ne faudra pas craindre de faire trop de tranchées, ni trop d’obstacles, à condition de laisser libre le terrain pour la manœuvre. Il faut que partout où on pourra en avoir besoin, on trouve une organisation prête. Ce n’est pas une raison pour s’en servir et l’occuper, s’il n’est pas nécessaire. Les retranchements ne doivent pas attirer la troupe, mais la troupe doit trouver des retranchements partout où elle en aura besoin. Ce travail de préparation du terrain sera l’occupation permanente d’une portion de la garnison, répartie entre les tours de service.

Pour en revenir à la partie active des opérations, la lutte est entamée entre deux artilleries. Pendant que les batteries de la défense sont ainsi engagées, et sous leur protection, les troupes des secteurs attaqués manoeuvrent et combattent pour arrêter la progression de l’assaillant.

Les troupes des secteurs sont réparties, indépendamment de la garnison des centre de résistance, en troupe de garde et réserve spéciale.

Les troupes de garde assurent la sécurité de la zone principale et maintiennent le contact avec l’ennemi. Leurs fractions avancées sont les avant-postes, protégée par les retranchements ; leur gros dans des abris de combat en arrière, en communication défilée avec les avants postes.

La réserve spéciale du secteur est installée en arrière des positions de combat, et sous leur protection.

En cas de nécessité de repousser un attaque vigoureuse ou de prononcer une contre-attaque, le Gouverneur met à la disposition du Commandant du terrain des attaques une portion de sa Réserve Générale.

De son côté, l’infanterie de l’attaque, sous la protection de l’artillerie de siège qui cherche à ruiner progressivement tous les moyens de combat de la défense, conquiert successivement, avec l’aide de l’artillerie et organise avec le concours du Génie, une série de positions – positions d’approche – de plus en plus rapprochées de la ligne des forts.

 

Chaque bond d’une position à la suivante donne lieu devant un défenseur actif et résolu à un ensemble de combats ; l’occupation d’une position nouvelle n’est définitive que lorsque son organisation défensive permet de mettre à couvert du feu les troupes de garde qui doivent y stationner.

L’assaillant, constamment harcelé par les contre-attaques et sortie de la défense, redoublera de vigueur sur les points qu’il a décidé d’emporter. Il arrivera un moment où ayant repoussé définitivement la défense, et s’étant rapproché de plus en plus du centre de résistance qu’il convoite il ne pourra plus progresser par les procédés ordinaires de combat. Il se trouve en effet dans la zone battue par les forts et par les organes de flanquement des intervalles (casemates de Bourges ou tourelles de 75) organisés à cet effet.

Il lui faudra entamer alors les travaux de l’attaque rapprochée en multipliant et resserrant les boyaux et tranchées et les parallèles ou en s’enfonçant sous terre pour entreprendre un guerre de mines.

Lorsqu’il jugera la désorganisation matérielle et morale de la garnison du fort suffisante il donnera l’assaut.

Mais ce n’est pas là la fin de la défense.

Après la chute d’un fort, l’ennemi devra s’engager dans les intervalles ainsi ouverts. Il reste encore sous le feu des organes de flanquement qui l’atteignent en flanc ; de front il trouve les troupes de secteur occupant le terrain préparé comme il a été dit avec de l’artillerie complétant le flanquement en enfilant les mouvements de terrain perpendiculaires au front. Certes, absolument parlant, il est en plus mauvaise posture que la défense. Il ne peut conserver le dessus que grâce à l’avantage qu’il possède de n’avoir à ménager ni ses effectifs, ni ses munitions toujours renouvelables.

Là les combats se continueront jusqu’à l’épuisement des ressources de la défense : le canon, le fusil, la grenade, la mitrailleuse et la pelle seront des deux côtés sans cesse en action. Jusqu’à ce que la défense, dont tous les moyens diminuent nécessairement de jour en jour, en arrive à se retirer dans le noyau, ou dans le dernier réduit dans lequel les débris de la garnison auraient pu se rassembler.

La lutte s’y poursuivra jusqu’à épuisement.

Le gouverneur d’une place ne doit jamais perdre de vue qu’en retardant, fût ce d’un jour, la reddition de sa place, il peut assurer la salut du pays.

Il est seul responsable de sa place ; il la défend, à moins  d’avoir reçu des ordres supérieurs, sans avoir d’autre règle que son appréciation personnelle. Lorsque le gouverneur juge que le dernier terme de la résistance est arrivé, il  consulte le conseil de défense ; mais le gouverneur, le conseil entendu et la séance levée, prend seul en s’inspirant de l’avis le plus énergique, s’il n’est pas absolument impossible, les résolutions que le sentiment de son devoir et de sa responsabilité lui suggère.

La loi punit de la mort, avec dégradation militaire, tout Gouverneur ou Commandant d’une place de guerre reconnu coupable d’avoir capitulé sans avoir épuisé tous les moyens de défense et sans avoir fait tout ce qu prescrivaient l’honneur et la devoir.

Tout gouverneur ou Commandant d’une place de Guerre qui l’a conservé malgré les efforts de l’ennemi reçoit, en présence de troupes, la récompense due à ses services. Le même honneur est accordé aux militaires qui se sont signalés dans la défense. Les batteries et ouvrages de la place reçoivent les noms des Officiers et des militaires sous leurs ordres qui se sont distingués en concourant à cette défense reçoivent également les témoignages publics de la reconnaissance de la Patrie.

Tout gouverneur ou Commandant d’une place de Guerre, tué dans l’accomplissement de son devoir ou mort des suites de ses blessures après une défense honorable, est inhumé avec les honneurs spéciaux que le Gouvernement détermine ; sa famille reçoit une pension spéciale à titre de récompense nationale ; ses enfants sont élevés aux frais de la Nation (Règlement sur le service des Places ; art. 160 et 165).

 

Table des matières

Introduction

Rôle de la fortification permanente

Organisation d’une grande place moderne

Description sommaire des éléments principaux de la fortification moderne

Forts

Tracés

Profil ordinaire – Flanquement des fossés
Profil triangulaire

Locaux accessoires

Liaisons téléphoniques, acoustiques, télégraphiques

Organes de flanquement des intervalles

Casemates de bourges

Tourelle de 75

Organes de défense propre

Artillerie de petit calibre dans les forts

Eclairage des abords de la fortification

Organisation des centres de résistance

Ouvrages intermédiaires

Installation de l’artillerie

Positions avancées

Seconde zone de défense

Noyau central

Liaisons dans la place avec l’extérieur

Indications sommaires sur les tourelles cuirassées

Le Gouverneur

La garnison

Matériels des divers services

Mobilisation d’une grande place

Aperçu des opérations d’attaque et de défense d’une place

 

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